L’histoire de la Vacheron Constantin 222

L’histoire de la Vacheron Constantin 222 Le sport-chic à la croix de Malte

Nous sommes en 1972, à la foire horlogère de Bâle. Là, Audemars Piguet dévoile un tout nouveau modèle, la Royal Oak. L’effet est saisissant, avec une proposition complètement inédite : une montre acier, au style moderne, vendue avec tous les codes du luxe, et notamment son prix, équivalent aux modèles en métal précieux. Le design, signé Gérald Genta, est lui aussi innovant : un boîtier fin aux lignes acérées, un bracelet intégré, et une lunette imposante. Le public ne le sait pas encore, mais cette nouveauté vient de créer un style à elle toute seule, le sport-chic, subtil mélange d’élégance et de décontraction. Voyant cela, les autres grandes maisons horlogères vont alors s’empresser de suivre le mouvement. Viendront alors, dans l’ordre chronologique, la Nautilus de Patek Philippe en 1976, la IWC Ingénieur en 1976… et  enfin la Vacheron Constantin 222 en 1977.

L’aïeule méconnue, la 2215 Chronomètre royal 

Mais à y regarder de plus près, la 222 n’est pas la première incursion de Vacheron Constantin dans le monde du sport-chic. Car en 1975, deux ans avant la 222, la maison à la croix de Malte dévoile la 2215 Chronomètre Royal.

Côté design, les codes sont bien respectés : bracelet intégré, boîtier anguleux et lunette octogonale. Mais la magie n’opère pas. Et la 2215 est un cuisant échec pour Vacheron Constantin, qui doit rapidement proposer quelque chose de plus abouti. Et c’est là que Jörg Hysek entre en scène. 

Jörg Hysek, le père de la 222

Jörg Hysek naît en Mai 1953, dans Berlin-Est. Sept ans plus tard, juste avant la construction du mur de Berlin, sa famille déménage à Genève. Il entame ensuite des études d’horlogerie en Suisse puis en Allemagne, avant d’intégrer la fameuse Royal Academy of Art de Londres. Ainsi, avec ce bagage à la fois technique et artistique, Hysek est embauché par Rolex, pour qui il travaille pendant 4 ans en tant que designer, avant de fonder son propre atelier de design : Hysek Styling. 

Un bon designer doit toujours être en avance sur son temps

Et au cours de sa carrière, Hysek dessinera des pièces maîtresses, notamment la Marine de Breguet, la Kirium de TAG Heuer, ou la Streamerica de Tiffany & Co. 

Mais en 1977, l’un de ses tout premiers clients n’est autre que Vacheron Constantin : il n’a alors que 24 ans ! La maison de Genève le sollicite pour remplacer la 2215 Chronomètre Royal et dessiner la nouvelle montre sport-chic de la marque. Dont acte. Vacheron Constantin, qui aime cultiver une certaine forme d’originalité, décide de fêter un anniversaire peu commun : le 222ème anniversaire de la marque. D’où le nom de leur prochain modèle.

Jörg Hysek s’empresse de répondre à la commande et propose ses dessins à Vacheron Constantin. On est loin des histoires rocambolesques de Genta dessinant en une nuit la Royal Oak la veille de la foire de Bâle 1971. Mais le résultat n’en est pas moins saisissant. D’ailleurs, pour la petite histoire, la paternité de la 222 est parfois attribuée -à tort- à Genta, en raison de la popularité de ses autres modèles à bracelets intégrés, Royal Oak ,Nautilus et Ingénieur.

Un design unique et identitaire

Côté design, la 222 est une montre résolument moderne, et ça se voit ! Son boîtier tonneau présente des angles fins et vifs. Il est construit en une seule pièce, ce qui implique d’emboîter le mouvement par le haut. Ensuite, vient se visser la lunette cannelée, pour garantir une étanchéité de 120 mètres, identique à celle de la Nautilus et la Royal Oak. Une croix de Malte en or est apposée sur le boîtier, à 5h. Le profil est extrêmement fin, avec seulement 7 mm d’épaisseur, ce qui est encore mieux que la Nautilus 3700/1 et la Royal Oak 5402A qui émargent respectivement à 7.6 mm et 7.15 mm. Enfin, ce boîtier est prolongé par un bracelet intégré muni de larges maillons centraux hexagonaux. 

En prenant un peu de recul, on se rend compte de la force de ce dessin. Contrairement à ses deux “grandes sœurs”, les Royal Oak et Nautilus, la 222 ne s’inspire pas de l’univers maritime, mais plutôt de l’architecture. Et le résultat est spectaculaire. Les surfaces planes s’imbriquent avec précision, suivant un dessin à la fois élégant et racé, tandis que la lunette, munie d’épaisses cannelures, achève de donner du caractère à la montre. 

La montre est bien entendu réalisée en interne, mais Vacheron Constantin fait appel aux meilleurs spécialistes pour certaines pièces très spécifiques. Ainsi, le cadran est réalisé par les ateliers de Stern Création, basés à Genève, et le bracelet est signé par les meilleurs dans le domaine : Gay Frères, basés à Genève également.

Une mécanique de haut-vol

La 222 est animée par le calibre 1120. Mais en réalité, la Royal Oak, la Nautilus et la 222 partagent la même base mécanique : le calibre 920, signé Jaeger-LeCoultre, qui n’a jamais aussi bien porté son surnom de “horloger des horlogers”.

Il s’agit d’un mouvement automatique ultra-fin (seulement 3.05 mm d’épaisseur), qui n’a jamais, à proprement parler, été utilisé comme tel par Jaeger-LeCoultre, mais a servi de base à différents mouvements pour Vacheron Constantin (calibres 1120, 1121, 1122), Patek Philippe (calibres 28-255, 28-255C), et Audemars Piguet (calibres 2120, 21251, 2122). Il s’articule autour de 40 rubis, oscille à 19.800 alternances par heure, et délivre 38 heures de réserve de marche.

Une production courte et famélique

La 222 est produite entre 1977 et 1984. Au cours de cette -courte- carrière, elle est déclinée en trois tailles. La “Jumbo” de 37 mm, réf. 44018, qui accueille le calibre automatique 1121, date sans seconde ; la 34 mm, réf. 46003, qui reçoit le calibre automatique 1124, avec date et seconde centrale ; et enfin la 24 mm, réf 6001 & 60701, avec son mouvement 1009 à quartz, sans date ni seconde. Il y a même eu une version carrée de 3 1mm de côté, réf. 46004. Côté matériaux, il y a le choix : acier, or jaune, ou bi-ton, et même argent ! On trouve également quelques rares configurations avec diamants. Mais les plus rares restent les modèles en or blanc, ou bien les versions à cadran blanc. Enfin, en ce qui concerne l’écrin, la “222” était accompagnée d’une pince à billets, assortie à la montre. Original, inutile, et donc tellement indispensable !

On pense souvent que seulement 500 “222” ont été produites en 7 ans. Mais selon les registres de production, les chiffres sont un peu plus élevés. Vacheron Constantin aurait produit environ 1700 versions 24 mm, 1000 versions 34 mm, et 700 “jumbo” 37 mm. Ces chiffres sont à comparer aux 3000 unités de Nautilus 3700/1 produites à la même époque. Ce qui fait de la 222 une pièce réellement rare. 

La 222 à l’origine d’une véritable lignée

La 222 est remplacée en 1984 par la 333 Phidias, puis par la Overseas lancée en 1996. Celle-ci devient rapidement le best-seller de la marque, tout en revendiquant sa filiation avec la 222 de 1977.

Ainsi, si l’on met de côté la 2215 Chronomètre Royal, la 222 est véritablement l’ancêtre des montres sport-chic de la maison à la croix de Malte. Rien que ça.

Une montre de plus en plus désirable

Indéniablement, la 222 ne jouit pas de la même popularité que la Royal Oak ou la Nautilus. Pour utiliser ce terme anglais que nous détestons, elle n’a pas la même hype. Et pourtant, peu à peu, sa côte remonte. Elle devient même de plus en plus désirable. Les amateurs fortunés cherchent (enfin) autre chose qu’une Nautilus ou une Royal Oak et se tournent vers des “alternatives”. Et à ce jeu-là, quoi de mieux qu’une 222 qui réunit tous les critères ? Une légitimité sans tache, un design fort et identitaire, une qualité horlogère au-delà de tout soupçon, et une rareté telle qu’elle est plus difficile à trouver que ses “sœurs”. Ajoutez à cela un engouement pour les montres sport-chic des années 70, et vous obtiendrez le retour en grâce largement mérité de ce modèle, trop longtemps restée dans l’ombre.

La 222 actuelle, “Les Historiques”

Presque 40 ans après l’arrêt de la production de la 222, Vacheron Constantin dévoile une réédition fidèle de la jumbo 37 mm de 1977. Inaugurée au Watches & Wonders 2022 (on appréciera le clin d’œil pour l’année choisie), cette version, réf. 4200H, reprend en tout point le dessin de son aïeule. Le boîtier de 37 mm en or jaune 18 carats garde son profil fin, avec seulement 7.95 mm d’épaisseur. La cadran arbore une magnifique couleur champagne, tandis que la croix de Malte, à 5h, est en or blanc. Ainsi la 222 joue merveilleusement bien avec les différentes teintes dorées, pour un résultat chaleureux de toute beauté.

Puis, en janvier 2025, pour les 270 ans de la marque, Vacheron Constantin présente une version acier, avec un cadran bleu mat. Les dimensions sont identiques à son homologue en or, mais le rendu est évidemment un peu plus sportif.

Les 222 réf. 4200H partagent le calibre manufacture 2455/2. Ce mouvement automatique dispose de 27 rubis, oscille à 28.800 alternances par heure, et propose 40 heures de réserve de marche. La masse oscillante en or 18 carats est gravée d’un “222”, qui se trouvait sur le fond plein sur le modèle de 1977, lui-même désormais remplacé par un fond transparent. Et bien entendu, le calibre 2455/2 est marqué du Poinçon de Genève, comme une garantie d’excellence et de précision.

Ces pièces d’exception ne sont pas à proprement parler en édition limitée, mais plutôt en “production réduite”.

Et l’avenir ?

Avec deux rééditions très réussies, la 222 prouve qu’elle a encore sa place dans le catalogue de Vacheron Constantin, telle une icône indémodable. Elle reçoit enfin toute l’attention qu’elle mérite, et son retour en grâce n’est qu’une nouvelle étape dans l’extraordinaire destin de cette montre. Et l’on peut faire confiance à Vacheron Constantin pour entretenir le mythe, tout en restant fidèle à sa devise : “Faire mieux si possible, ce qui est toujours possible”. Même si parfois, il faut bien avouer que l’on ne voit pas bien comment.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

DIRECTEMENT CHEZ VOUS

TOUTES LES SEMAINES

Pochette d'ordinateur CHARLIE en nylon noir - JOSEPH BONNIE

Et si nous tissions un lien plus personnel ?

Rejoignez une communauté d'amoureux d'horlogerie : nouveautés, rendez-vous, évènements particuliers et de nombreuses surprises.

expand_less